L'Essentiel en quelques secondes
- Le fait : Le Sénat a voté le 21 novembre 2025 la suppression des exonérations de cotisations salariales sur les apprentis (175 voix pour, 121 contre).
- Ce qui ne change PAS : Les charges patronales. L'employeur ne paie pas un centime de plus.
- Ce qui change : Le salaire net de l'apprenti. Pour un apprenti de 18 ans en première année, c'est environ 190€/mois de pouvoir d'achat en moins.
- Le vrai risque : La désaffection pour l'apprentissage dans un secteur déjà en pénurie de main-d'œuvre.
- Le texte n'est pas définitif : Commission mixte paritaire à venir, 49.3 possible.
Ce Que Dit Exactement le Texte Voté
L'amendement 605 : les faits
Le 21 novembre 2025, le Sénat a adopté l'amendement n°605 présenté par Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le résultat du vote : 175 voix pour, 121 contre.
Cet amendement rétablit l'article 9 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Cet article prévoit la suppression totale de l'exonération de cotisations sociales salariales pour les apprentis.
L'objectif affiché par le gouvernement : générer 320 millions d'euros d'économies en 2026, puis 1,2 milliard d'euros d'ici 2027. Ces chiffres figurent dans le rapport de la commission des affaires sociales du Sénat.
La justification officielle, telle qu'elle apparaît dans les débats parlementaires : « difficile de justifier un dispositif d'exonération alors que les apprentis peuvent bénéficier de prestations sociales contributives ». En clair : si les apprentis cotisent, ils peuvent prétendre aux prestations (retraite, chômage). Le raisonnement se tient sur le papier. Ses conséquences pratiques sont une autre histoire.
Cotisations salariales vs patronales : la distinction clé
C'est le point central, souvent mal compris dans les réactions à chaud. La mesure concerne les cotisations salariales, pas les cotisations patronales.
Les cotisations salariales sont prélevées sur le salaire du salarié. C'est lui qui les « paie », par une retenue sur son brut. Jusqu'ici, les apprentis en étaient exonérés : leur salaire brut était égal à leur salaire net (sur la part exonérée).
Les cotisations patronales, elles, sont payées par l'employeur en plus du salaire brut. Sur ce point, rien ne change. La réduction générale des cotisations patronales (ex-réduction Fillon) reste en place pour les apprentis.
Concrètement : si vous embauchez un apprenti en 2026, vos charges patronales seront identiques à celles de 2025. Votre coût employeur ne bouge pas.
Le calendrier : contrats en cours non concernés
Un point rassurant pour les entreprises qui forment déjà des apprentis : les contrats en cours ne sont pas affectés.
L'article 9 du PLFSS 2026 prévoit que la suppression des exonérations s'applique uniquement aux nouveaux contrats conclus à partir du 1er janvier 2026. Si votre apprenti a signé son contrat en 2024 ou 2025, il continue sous l'ancien régime jusqu'à la fin de son contrat.
Cette distinction est importante. Elle laisse le temps aux entreprises et aux futurs apprentis de s'adapter, et elle évite de modifier les conditions en cours de contrat.
L'Impact Réel : Qui Paie Quoi ?
Pour l'employeur : zéro surcoût direct
Mettons les choses au clair d'emblée. Si vous êtes patron d'une PME du bâtiment et que vous formez des apprentis, cette mesure ne vous coûte pas un euro de plus en charges.
Les cotisations supprimées sont les cotisations salariales. Elles sont prélevées sur le salaire de l'apprenti, pas sur votre trésorerie. La réduction générale des cotisations patronales (réduction Fillon) reste intégralement en place.
Votre budget « apprentissage » reste donc identique. Le coût employeur d'un apprenti en 2026 sera le même qu'en 2025, à grille salariale équivalente.
C'est une précision essentielle, car beaucoup de réactions initiales ont laissé entendre que les entreprises allaient « payer plus ». Ce n'est pas ce que dit le texte.
Pour l'apprenti : une baisse de pouvoir d'achat
En revanche, c'est l'apprenti qui voit la différence sur sa fiche de paie.
Jusqu'ici, l'exonération de cotisations salariales permettait une équivalence simple : salaire brut = salaire net (sur la part exonérée). Un apprenti qui touchait 900€ brut recevait 900€ net.
Avec la suppression de l'exonération, les cotisations salariales seront prélevées normalement. Ces cotisations (CSG, CRDS, retraite, chômage) représentent environ 21% du salaire brut.
Pour l'apprenti, cela signifie une baisse nette de rémunération. Pas parce que l'employeur paie moins, mais parce qu'une partie de son salaire part désormais en cotisations.
L'exemple chiffré d'un apprenti de 18 ans
Prenons un cas concret. Un apprenti de 18 ans en première année dans le BTP perçoit 50% du SMIC, soit 900,90€ brut par mois (sur la base du SMIC novembre 2024 à 1 801,80€).
Avant la mesure :
- Salaire brut : 900,90€
- Cotisations salariales : 0€ (exonération)
- Salaire net : 900,90€
Après la mesure (estimation) :
- Salaire brut : 900,90€
- Cotisations salariales : ~190€ (environ 21%)
- Salaire net : ~710€
La différence est significative : 190€ de moins par mois dans la poche de l'apprenti. Sur une année, cela représente plus de 2 000€ de pouvoir d'achat en moins.
Pour un jeune de 18 ans qui doit souvent financer son logement, ses transports, sa vie quotidienne, cette baisse n'est pas anodine. Elle peut faire basculer l'équation financière de l'apprentissage.
Le Vrai Risque : L'Attractivité de l'Apprentissage
Le contexte : un secteur en tension
Si l'impact financier direct sur les employeurs est nul, pourquoi les fédérations professionnelles montent-elles au créneau ? Parce que le risque est ailleurs : dans l'attractivité de l'apprentissage.
Le secteur du bâtiment fait face à une pénurie de main-d'œuvre qualifiée qui n'est pas conjoncturelle, mais structurelle. Les départs à la retraite s'accélèrent, les chantiers de rénovation énergétique se multiplient, et les vocations ne suivent pas.
La CAPEB le rappelle dans son communiqué : le secteur du bâtiment doit recruter massivement pour la rénovation énergétique. Sans compagnons formés, les objectifs de transition énergétique resteront lettre morte. Les aides MaPrimeRénov' ne servent à rien s'il n'y a personne pour poser l'isolation ou installer les pompes à chaleur.
Dans ce contexte, tout ce qui rend l'apprentissage moins attractif est un problème. Et une baisse de 190€/mois sur le salaire d'un apprenti, c'est précisément ça.
Le mécanisme de désaffection
Mettons-nous à la place d'un jeune de 17-18 ans qui hésite sur son orientation. Il compare les options : continuer en lycée général ou technologique, entrer dans la vie active avec un job non qualifié, ou s'engager dans un apprentissage.
L'apprentissage avait un argument fort : être payé tout en apprenant un métier. Un apprenti de 18 ans qui touche 900€ net, c'est mieux qu'un lycéen à 0€. L'équation était favorable.
Avec 710€ net au lieu de 900€, l'équation change. Le différentiel avec d'autres options se réduit. Certains jeunes, à la marge, choisiront autre chose. Pas tous, mais suffisamment pour aggraver une pénurie déjà préoccupante.
Le mécanisme est lent et silencieux. On ne verra pas les effets immédiatement. Mais dans trois ou cinq ans, quand les entreprises chercheront des compagnons qualifiés, le vivier sera plus restreint qu'il n'aurait dû l'être.
La position des fédérations professionnelles
La CAPEB a réagi dès l'annonce du vote sénatorial. Dans son communiqué, la confédération « alerte une nouvelle fois » sur les conséquences de cette mesure. Elle souligne que la suppression des exonérations « menace directement l'attractivité des métiers du bâtiment et la capacité de formation des entreprises artisanales ».
L'argument des fédérations est simple : on ne peut pas, d'un côté, appeler à la massification de la rénovation énergétique et, de l'autre, réduire l'attractivité de l'apprentissage dans les métiers qui réalisent cette rénovation.
La FFB et d'autres organisations professionnelles partagent cette inquiétude. Le consensus est large dans le secteur : cette mesure envoie un mauvais signal au moment où l'on a besoin d'attirer les jeunes vers les métiers du bâtiment.
Le Parcours Législatif : Ce Qui Peut Encore Changer
Assemblée vs Sénat : des positions opposées
Le texte voté par le Sénat n'est pas définitif. Et le parcours législatif a révélé des positions très différentes entre les deux chambres.
Le projet de loi a été déposé le 14 octobre 2025. Il contenait déjà, à l'article 9, la suppression des exonérations. C'était une volonté du gouvernement dès le départ.
Mais le 7 novembre 2025, l'Assemblée nationale a voté contre cette mesure. Et pas de justesse : 232 voix contre 2. Un rejet quasi unanime, transpartisan. Les députés, toutes tendances confondues, ont estimé que cette suppression était une mauvaise idée.
Ils ont adopté 7 amendements supprimant l'article 9. Le texte transmis au Sénat ne contenait donc plus cette mesure.
Le Sénat l'a rétablie. L'amendement 605, adopté le 21 novembre 2025, réintroduit la suppression des exonérations. Le vote (175 pour, 121 contre) montre une majorité nette, mais moins écrasante que le rejet de l'Assemblée.
On a donc deux positions inconciliables : l'Assemblée veut supprimer la mesure, le Sénat veut la maintenir.
Commission mixte paritaire et 49.3
Que se passe-t-il maintenant ? Le texte doit passer en commission mixte paritaire (CMP). Cette commission, composée de 7 députés et 7 sénateurs, doit trouver un compromis sur les points de désaccord entre les deux chambres.
Si la CMP aboutit à un accord, le texte commun est soumis aux deux assemblées pour adoption. Si elle échoue, le texte revient en navette parlementaire, chaque chambre votant à nouveau.
Dans le contexte budgétaire actuel (déficit de la Sécurité sociale de 23 milliards d'euros en 2025, objectif de 17,5 milliards en 2026), le gouvernement pourrait également recourir à l'article 49.3 pour faire adopter le texte sans vote.
Le parcours n'est donc pas terminé. La mesure peut encore être modifiée, supprimée, ou confirmée. Les entreprises et les futurs apprentis sont dans l'incertitude jusqu'à l'adoption définitive du texte.
Ce Que Peuvent Faire les Entreprises du BTP
Suivre l'évolution du texte
Première recommandation : ne pas surréagir avant l'adoption définitive. Le texte peut encore évoluer. La commission mixte paritaire pourrait aboutir à un compromis, voire à un retrait de la mesure.
Restez informés via les communications de votre fédération professionnelle (CAPEB, FFB, FNTP). Elles suivent le dossier de près et relaient les évolutions législatives.
Si vous envisagez d'embaucher un apprenti début 2026, attendez si possible les résultats de la CMP avant de finaliser. Quelques semaines de patience peuvent clarifier le cadre applicable.
Anticiper sans surréagir
Si la mesure est confirmée, que faire concrètement ?
Pour les contrats en cours : Rien. Ils ne sont pas concernés. Votre apprenti actuel continue sous l'ancien régime.
Pour les futurs contrats : Le coût employeur ne change pas. Votre décision d'embaucher un apprenti doit donc rester guidée par vos besoins opérationnels, pas par cette mesure.
Pour l'attractivité des postes : C'est là que la réflexion peut porter. Si vous constatez une difficulté à attirer des candidats, vous pourriez envisager des compensations : prime d'outillage, aide au permis, prise en charge partielle du logement. Ces avantages existent déjà dans certaines entreprises et pourraient devenir plus courants.
Certaines PME choisissent aussi d'améliorer les conditions de travail et de formation pour se différencier : équipements de qualité, montée en compétences accélérée, perspectives d'embauche claires. L'attractivité ne se résume pas au salaire.
Ne pas renoncer à former : C'est peut-être le point essentiel. Dans un secteur en pénurie structurelle de main-d'œuvre, renoncer à former des apprentis serait une erreur stratégique. Même si l'attractivité de l'apprentissage baisse légèrement, les entreprises qui continuent à former se constitueront un vivier de compétences pour l'avenir. Celles qui arrêtent se trouveront démunies quand les carnets de commandes repartiront.
Conclusion : Distinguer l'Impact Réel du Bruit Médiatique
Le vote du Sénat sur la suppression des exonérations apprentis a généré beaucoup de réactions. Certaines alarmistes, d'autres plus mesurées. Il est temps de faire le tri.
Ce qui est vrai : La mesure a été votée. Elle prévoit la suppression totale des exonérations de cotisations salariales pour les nouveaux contrats d'apprentissage à partir du 1er janvier 2026. L'objectif est de générer 320 millions d'euros d'économies en 2026.
Ce qui est souvent mal compris : L'employeur ne paie pas plus. Les charges patronales restent identiques. Le surcoût, s'il y en a un, est supporté par l'apprenti lui-même, sous forme d'une baisse de son salaire net d'environ 190€/mois.
Le vrai enjeu : L'attractivité de l'apprentissage. Dans un secteur qui peine déjà à recruter, cette baisse de rémunération risque de détourner certains jeunes vers d'autres parcours. C'est un problème à moyen terme, pas une crise immédiate.
Ce qui reste incertain : Le texte n'est pas définitif. L'Assemblée nationale avait voté contre (232 voix contre 2). La commission mixte paritaire doit encore statuer. Un compromis ou un abandon restent possibles.
Pour les dirigeants de PME du bâtiment, la posture raisonnable est la suivante : rester informé, ne pas surréagir, et surtout ne pas renoncer à former. L'apprentissage reste le meilleur moyen de constituer les équipes qualifiées dont le secteur aura besoin demain. Cette mesure, si elle est confirmée, compliquera un peu l'équation. Elle ne la rend pas impossible.
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FAQ - PLFSS 2026 & Apprentis BTP
Non. La mesure concerne uniquement les cotisations salariales, prélevées sur le salaire de l'apprenti. Les charges patronales restent identiques : la réduction générale des cotisations (ex-réduction Fillon) est maintenue. Votre coût employeur ne change pas.
L'apprenti lui-même. Jusqu'ici, l'exonération permettait un salaire brut égal au salaire net. Avec la suppression, les cotisations salariales (environ 21%) seront prélevées. Pour un apprenti de 18 ans en première année, cela représente environ 190€/mois de salaire net en moins.
Non. La mesure s'applique uniquement aux nouveaux contrats conclus à partir du 1er janvier 2026. Les contrats en cours continuent sous l'ancien régime jusqu'à leur terme.
Non. Le Sénat a voté pour (175 voix), mais l'Assemblée nationale avait voté contre (232 voix contre 2). Une commission mixte paritaire doit trouver un accord. Un recours au 49.3 reste également possible. Le parcours législatif n'est pas terminé.
Le risque n'est pas financier pour l'employeur, mais stratégique. Une baisse de 190€/mois rend l'apprentissage moins attractif. Dans un secteur en pénurie de main-d'œuvre qualifiée, la CAPEB craint une désaffection des jeunes pour les métiers du bâtiment.
Non. Votre coût employeur reste identique. La décision doit être guidée par vos besoins opérationnels, pas par cette mesure. Dans un secteur en tension, continuer à former reste stratégique pour constituer vos équipes de demain.
Si la mesure est confirmée et que l'attractivité baisse, vous pouvez envisager des compensations : prime d'outillage, aide au permis, prise en charge partielle du logement. Améliorer les conditions de formation et les perspectives d'embauche peut aussi faire la différence.
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